#128 « Ma grâce te suffit, car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse. »

Le psaume qui ouvre chaque matin le premier office chanté de la journée est appelé le psaume invitatoire. Plusieurs psaumes sont au choix mais le psaume 94 est traditionnellement celui que nous retenons. Dès son commencement, il y est dit « Venez, criez de joie pour le Seigneur. » Crier, nous le faisons parfois dans la vie courante pour exprimer un mécontentement, une injustice voire une révolte. Certes il y a les cris des supporters de matchs de football. Comment ne pas mentionner le cri de déception des supporters français face à l’élimination de la France à l’Euro de football ? Mais pour nous, en ce matin, il s’agit d’entrer dans la louange. Nous sommes tournés dès l’aurore vers notre Dieu, créateur et, regardant vers l’Orient d’où paraît la lumière matinale, nous chantons nos chants de joie. Notre cri n’est pas un hurlement mais l’expression spirituelle de notre personne, corps et âme, pour bénir Dieu face à la vie qui s’éveille. Ces jours-ci, je vous propose de crier de joie pour les prêtres et les diacres ordonnés dans notre pays, en général à une date proche de la fête des saints apôtres Pierre et Paul. En la cathédrale de Chartres, en ce dimanche 4 juillet, Clément Pierson sera ordonné diacre en vue du sacerdoce. Alors crions de joie et bénissons le Seigneur.

Après avoir parcouru l’exhortation sur « la joie de l’amour » (Amoris Lætitia), j’aimerais dans ces prochains messages reprendre avec vous des extraits d’un texte fondamental du pape François, je veux mentionner l’exhortation apostolique l’Évangile de la joie (Gaudium Evangeli). Ce texte éclaire la mission de l’Église et notre vocation missionnaire. Le pape Jean-Paul II avait beaucoup insisté sur la vocation de tout baptisé à être témoin de sa foi. Le pape François a lancé l’expression devenue courante dans nos cénacles ecclésiaux, être disciple-missionnaire. Notre baptême fait de nous des témoins de Jésus-Christ.

Dans la vie courante, nous avons plusieurs mots qui expriment notre satisfaction. Tout d’abord il y a la gaité qui manifeste un aspect de notre tempérament, souvent transitoire et passager. Il y a le plaisir qui naît d’une réalité extérieure à soi, comme une bonne nourriture ou un bon moment au théâtre si la pièce est drôle. Ce plaisir n’est pas durable et en appelle un nouveau. Enfin, il y a la joie, qui vient de l’intérieur, du centre de notre être, du cœur. La joie est plus durable. C’est un sentiment primordial et nécessaire à la vie. Reste à trouver la source de la joie, à y entrer et à y rester. L’Écriture dit « soyez dans la joie. » La joie serait donc un cadeau et un commandement. Elle advient par l’accueil en soi de la vie et simultanément par un engagement personnel à demeurer joyeux. Dans son exhortation, le saint Père développe clairement le lien de la joie avec la mission, c’est-à-dire l’évangélisation. Il s’agirait de s’approprier la Parole de Dieu et de devenir ses porte-parole auprès de nos contemporains. Souvenons-nous du passage de l’évangile qui raconte l’envoi en mission, deux par deux, des disciples et qui reviennent le soir tout joyeux. Personnellement j’ai expérimenté cette joie surprenante lors de missions de rue, à Paris comme à Rome lorsque j’y étudiais au séminaire. Ces moments de rencontre pour lesquels il me fallait choisir l’audace d’un premier pas et qui régulièrement, mais pas toujours, ouvrait sur des échanges profonds allant jusqu’à prier ensemble au milieu de la Piazza Navona. Je rentrais toujours réellement heureux de ces moments de grâce. Par exemple, un jour un homme fort ému me sortit de sa poche le livre « l’imitation de Jésus-Christ » et me dit « je suis athée et membre du parti communiste italien depuis des décennies, je viens d’acheter ce livre sans raison et maintenant je vous rencontre et vous me parlez de Jésus ! ». Nous découvrons que cette exhortation qui veut nous faire découvrir la vraie joie est un texte sur l’évangélisation. Si nous voulons être des chrétiens heureux, nous avons là une indication claire sur l’itinéraire à emprunter. Sommes-nous disposés à devenir des disciples-missionnaires et à être des chrétiens « en sortie » pour aller aux périphéries de nos paroisses, vers ceux et celles qui ont totalement quitté l’Église ?

La première phrase de cette exhortation est la suivante : « La joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus. » Elle donne la note pour interpréter la partition de ce texte. Elle nous parle de la rencontre de Jésus, réelle, source de notre joie. Le pape François ajoute « Ceux qui se laissent sauver par lui sont libérés du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement. Avec Jésus Christ la joie naît et renaît toujours. »

C’est l’expérience de la rencontre de Jésus, présent dans notre propre vie et celle des autres qui fait naître cette joie. Nous ne sommes pas seuls. Nous sommes accompagnés. Il vient nous libérer des servitudes et du mal. Personne n’est écarté par le Christ, même si nos vies ne sont pas établies pleinement dans une situation qui convient selon l’évangile. D’une manière ou d’une autre, il désire entrer en relation avec chacun. Cette relation a besoin de ce que l’on nomme la grâce. Qu’est-ce que la grâce ? Il est bien difficile de la définir, mais celui qui s’y essaye peut affirmer que c’est l’œuvre de l’Esprit Saint dans un cœur ouvert à son action, communiquée par les sacrements, par la prière et par toute forme d’action porteuse d’amour. Ultimement, la grâce est la vie et même elle est la présence de celui qui source de la vie, le Fils de Dieu fait homme. Alors le croyant qui recherche Dieu peut répondre librement. Le pape propose cela dès le début de son exhortation : « J’invite chaque chrétien, en quelque lieu et situation où il se trouve, à renouveler aujourd’hui même sa rencontre personnelle avec Jésus Christ ou, au moins, à prendre la décision de se laisser rencontrer par lui, de le chercher chaque jour sans cesse. » (EG n°3) Parler de rencontre personnelle semble mystérieux. Beaucoup de catholiques peinent à raconter leur rencontre personnelle avec Jésus, soit parce qu’ils pensent ne pas l’avoir faite, soit parce que cela relève de l’intime et du « for interne ». Le pape ajoute « Celui qui risque, le Seigneur ne le déçoit pas, et quand quelqu’un fait un petit pas vers Jésus, il découvre que celui-ci attendait déjà sa venue à bras ouverts. » Oserons-nous bâtir notre vie sur sa Parole ? Prendrons-nous ce rendez-vous quotidien dans la prière et la méditation jusqu’à sa rencontre ? Serons-nous attentifs chaque jour à relire notre vie pour y discerner les signes de l’Esprit dans les rencontres et les motions du cœur ? Accueillerons-nous sa miséricorde qui libère notre âme du poids et de la tristesse du péché ? Cette rencontre promise par le pape se réalise par des touches délicates qui rejoignent notre cœur et éclairent notre intelligence, mais nécessitent d’écouter l’Esprit.

L’Écriture est le média principal de Dieu qui nous parle. Ô combien l’Écriture sainte parle de la promesse de la joie ! Son message est source de joie : « Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète » (Jn 15, 11). Notre joie chrétienne jaillit de la source du cœur débordant de la Trinité. Jésus le promet aux disciples : « Vous serez tristes, mais votre tristesse se changera en joie » (Jn 16, 20). Et il insiste : « Je vous verrai de nouveau et votre cœur sera dans la joie, et votre joie, nul ne vous l’enlèvera. » (Jn 16, 22)

Certainement, des personnes non croyantes pourraient voir chez nous une attitude frisant l’illusion et l’irénisme qui ferait fi de la réalité souffrante de toute vie. Croyants, nous vivons comme ces personnes avec des difficultés sociales et familiales. Cependant nous expérimentons la puissance du Seigneur et sa présence lorsque nous cheminons dans sa lumière et que nous œuvrons dans le partage des dons reçus. L’évangélisation est une communication de ce trésor que nous portons humblement comme en des vases fragiles. Ce trésor peut se multiplier au gré des rencontres et des témoignages. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » (Jn 15,13) Alors que la pandémie recule, que les masques tombent, beaucoup prennent le temps de se saluer et de se rencontrer. C’est maintenant le temps favorable du témoignage : le Christ est « la Bonne Nouvelle éternelle » (Ap 14, 6), et il est « le même hier et aujourd’hui et pour les siècles » (He 13, 8), mais sa richesse et sa beauté sont inépuisables. C’est maintenant le temps de se donner les moyens pour renouveler la fraternité. Comment recréer des équipes où l’on se rencontrera régulièrement, où chacun trouvera des frères et des sœurs, où le Christ sera honoré et adoré ? Nous aurons l’été pour y réfléchir et ensuite agir. Reposez-vous si cela vous est possible en présence du Seigneur, source de joie.

Prions toujours avec foi et je vous propose une fois de plus de prier avec le père de Grandmaison :

Sainte Marie, Mère de Dieu,

gardez-moi un cœur d’enfant, pur et transparent comme une source.

Obtenez-moi un cœur simple qui ne savoure pas les tristesses.

Un cœur magnifique à se donner, tendre à la compassion.

Un cœur fidèle et généreux, qui n’oublie aucun bien et ne tienne rancune d’aucun mal.

Faites-moi un cœur doux et humble, aimant sans demander de retour, joyeux de s’effacer dans un autre cœur devant votre divin Fils.

Un cœur grand et indomptable qu’aucune ingratitude ne ferme, qu’aucune indifférence ne lasse.

Un cœur tourmenté de la gloire de Jésus Christ, blessé de son amour

et dont la plaie ne guérisse qu’au ciel.

Amen

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Je confie mon intention de prière

Votre intention sera confiée à la prière des sœurs de Saint-Paul de Chartres.