#163 « Évite le mal, fais ce qui est bien, poursuis la paix, recherche-la ! »

La guerre est là aux confins de l’Europe, commencée ce jeudi 24 février matin par la décision russe. Comment comprendre ce besoin viscéral de faire la guerre ? Au XXIe siècle, les peuples se connaissent, nous sommes connectés par Internet, nous avons des relations interculturelles. Pourtant, l’histoire nous rattrape, les blessures du passé sont vives, l’orgueil rejaillit, la nostalgie de la grandeur des empires se réveille. Nous prions pour la paix. Nous jeûnons. Nous recevons des appels nombreux des autorités orthodoxes et catholiques d’Ukraine. Face aux missiles et aux obus, notre chapelet n’est-il pas une arme désuète ? Pourtant nous espérons que la Sagesse touchera l’intelligence de ceux et celles qui se font artisans de paix. L’Espérance demeure car le Christ est là.

Dans ce climat de tension, d’angoisse même pour certains, la joie demeure : nous sommes en carême. Certains pensent qu’il faut se restreindre : en réalité il faut se libérer de tous les trop-pleins pour être disponibles pour Dieu, pour les autres et pour soi. Jésus n’a-t-il pas fait la synthèse de tous les commandements de la loi juive en disant : « aime ton Dieu de tout ton cœur, de toute ta force, de toute ton âme et de tout ton esprit, et aime ton prochain comme toi-même » ? (Mc 10, 30) Ce carême est une opportunité de mettre en pratique la Parole et de faire plaisir autour de soi. Pour cela, méditons et réfléchissons sur ces petits rituels à mettre en place au quotidien pour aimer et servir.

La nouvelle traduction du Missel Romain, fruit du Concile Vatican II, nous permet de mieux appréhender ce qu’est la messe. Vous devez chacun savoir que la Cène que Jésus préside au Cénacle, lieu où ses apôtres ont préparé pour lui la Pâque juive, fut le moment d’une nouveauté lorsque Jésus prit le pain, le rompit et le donna à ses disciples en leur disant « Prenez, mangez : ceci est mon corps » (Mt 26, 26). Ce pain était azyme, ce qui veut dire sans levain puisque chaque pâque faisait mémoire de la sortie d’Égypte par le peuple hébreu qui recouvrait enfin sa liberté. Ils mangèrent aussi un agneau par famille dont le sang fut mis sur le linteau des portes pour préserver cette famille du fléau qui allait frapper en Égypte tous les premiers-nés des hommes et des bêtes. Jésus prit ensuite la coupe de bénédiction et la donna à boire à chacun disant « Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude en rémission des péchés. » (Mt 26, 27) La cène anticipait la passion de Jésus sur la Croix. Les deux évènements sont liés et si le supplice du Golgotha est unique, la cène que Jésus demandait de refaire en mémorial continue en chaque eucharistie. Le Saint Sacrifice de la messe reprend les mêmes paroles de Jésus que l’évêque ou le prêtre prononce « in personna christi ». C’est donc le cœur de la célébration eucharistique. Jésus offre toujours sa vie pour que chacun de nous soit sauvé du péché et vive éternellement. Avons-nous conscience que nous participons comme membres du Christ à ce sacrifice, certes pour soi, mais aussi pour toute l’humanité, ceux qui connaissent Jésus et son message, comme les autres ? Car « Jésus est venu sauver tous les hommes » (1Tm 2, 4) et le Père opère ce salut selon sa volonté et sa miséricorde. Personne parmi nous ne peut anticiper le jugement de Dieu. Pour cela, comprenons-nous l’importance de la participation à la messe ? Nos sociétés contemporaines sont souvent avides de spectacles. La messe n’est pas un spectacle. Quelle que soit la beauté des chants c’est bien la consécration qui est le cœur de l’eucharistie : c’est alors que se réalise le sacrifice de Jésus. Je me rappelle les écrits du père Walter Joseph Ciszek qui écrivit un livre magnifique, Dieu au Goulag. Emprisonné dans un camp de travail sibérien, parmi des prisonniers de droit commun violents, avec des prêtres orthodoxes ils célébraient ensemble l’eucharistie avec quelques gouttes de vin placées dans le creux de la main comme calice et des miettes de pain, puis chacun prenait un fragment du précieux corps de Jésus pour communier discrètement afin de ne pas être dénoncé, avec un immense désir de Dieu, une reconnaissance profonde pour chaque messe, chantant dans leur cœur des hymnes d’action de grâce pour avoir pu adorer le Seigneur et puiser là la force pour simplement survivre. Pourquoi ne pas méditer sur cet essentiel de la vie chrétienne, le fait de nous retrouver en communauté ecclésiale autour du Christ qui s’offre inlassablement pour tirer l’homme de la mort ? L’essentiel est que l’humanité soit sauvée, voici pourquoi la messe demeure la source et le sommet de la vie chrétienne.

Les parents enseigneront cette vérité à leurs enfants. Il ne s’agit pas de la forme du rite, ni des chants, ni des gestes. Certes le rituel a son importance et il honore celui que nous adorons. Nous expliquerons aux enfants comment le saint Sacrifice de la messe est lié au Calvaire où Jésus a versé tout son sang par pur amour pour réaliser le seul sacrifice qui tirerait l’humanité de la mort définitive. Nos adolescents qui renâclent parfois à venir le dimanche matin avec leurs parents ont-ils eu vraiment connaissance de l’importance de leur offrande personnelle lors de la messe pour le salut de leurs copains, de tous les hommes et femmes qui pour la plupart ignorent tout cela et pourraient perdre le bonheur éternel ? Enseignez-leur le miracle qui s’opère. Demandez-leur d’y prendre part. Les jeunes n’ont-ils donc pas un sens profond du don de soi lorsqu’ils sont sollicités pour un bel effort d’amour ? Espérons que tous puissent découvrir combien ce moment est magnifique et nécessaire. Espérons qu’ils comprennent la grandeur du sacerdoce presbytéral qui, par le sacrement de l’ordre, opère au nom du Christ.

En écoutant saint Hilaire de Poitiers dont je vous commentais, lors d’un message précédent, toute l’ardeur à prêcher sur le dogme de la Sainte Trinité, nous comprenions que Dieu est insaisissable et indicible. Or dans le sacrifice eucharistique, nous possédons Dieu non comme un bien personnel mais lorsqu’il nous est présent par son Fils Jésus dans son corps et son sang eucharistiés, il s’offre à nous pour être consommé et nous transformer intérieurement en lui-même afin d’être capables d’aimer. C’est un profond Mystère que nous reconnaissons comme tel, lorsque le célébrant dit « il est grand le Mystère de la foi ». Ce n’est pas seulement dans ce que nous voyons ou pas de sa présence, mais dans la réalité du salut pour tous, depuis Adam et Ève jusqu’au dernier homme dans l’avenir. À l’heure des découvertes scientifiques, la question de l’existence de notre vie et de sa fin se pose néanmoins avec gravité. D’où venons-nous et où allons-nous, si nous allons quelque part diront les agnostiques ? Ce Mystère est dans la présence de celui qui nous a promis de nous préparer une place afin que nous soyons avec lui (cf. Jn 14, 3). Dieu s’est fait proche et désire toujours nous combler de sa présence : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure. » (Jn 14, 23) Voici sa promesse divine. Comment Dieu alors nous laisserait-il si nous lui exprimons un amour réel, si nous l’adorons, si nous mettons en pratique sa Parole ? La messe est un miracle qui opère le lien entre la Terre et le Ciel, entre nous tous et notre Dieu créateur. La messe dévoile le Ciel et la présence des saints et des anges qui louent Dieu comme le décrit le livre de l’Apocalypse.

J’invitais récemment ceux qui le peuvent à vivre la messe en semaine. S’il n’y a pas d’obligation d’y aller, c’est une belle offrande que de consacrer une demi-heure de sa journée pour oublier le travail et les tâches domestiques et venir dans une église s’y recueillir et communier en s’offrant au Seigneur en sacrifice saint, « à la louange et à la Gloire de son nom, pour notre bien et celui de toute l’Église » (Réponds des fidèles introduisant la prière sur les offrandes)

Ce carême maintenant commencé, notre désir de plaire à Dieu nous encourage à vivre ce don de soi, à participer à la messe régulièrement en ayant saisi que notre joie est dans notre propre adhésion au sacrifice de Jésus pour nos frères et sœurs. C’est pourquoi la communion eucharistique stimule notre engagement dans les œuvres de miséricorde dont nous avons souvent parlé lors du grand Jubilé de la Miséricorde. Parmi celles-ci, il y a les œuvres corporelles, dont six sont précisées par Jésus dans l’évangile du jugement dernier : donner à manger aux affamés ; donner à boire à ceux qui ont soif ; vêtir ceux qui sont nus ; accueillir les pèlerins ; assister les malades ; visiter les prisonniers (Mt 25, 34-36). La dernière œuvre est précisée dans l’épître aux Hébreux, soit ensevelir les morts (Hb 13, 3). Chacun trouve sa joie dans le soin d’autrui. Le pape François l’affirme : « Nous avons reçu la vie non pas pour l’enterrer, mais pour la mettre en jeu ; non pas pour la garder, mais pour la donner. Quiconque est avec Jésus sait que le secret pour posséder la vie est de la donner »

Ces prochains jours, prions intensément, particulièrement le chapelet, en lien à tous nos amis souffrants. Confions ce jour à Notre-Dame de Chartres.

Je vous salue Marie, pleine de grâce ;

Le Seigneur est avec vous.

Vous êtes bénie entre toutes les femmes

Et Jésus, le fruit de vos entrailles, est béni.

Sainte Marie, Mère de Dieu,

Priez pour nous pauvres pécheurs,

Maintenant et à l’heure de notre mort.

Amen

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Je confie mon intention de prière

Votre intention sera confiée à la prière des sœurs de Saint-Paul de Chartres.