#179 « Allez dans toutes les nations, enseignez et faites des disciples ! »

Dans quelques jours, précisément le lundi 27 juin, une action de grâce montera en mon âme au souvenir de Monseigneur Jean-Marie Lustiger qui m’ordonnait prêtre ainsi que dix-huit autres hommes sous les voûtes de Notre-Dame de Paris. Trente ans, c’est bien mais c’est encore modeste comparativement aux soixante-quinze années de sacerdoce du père Raphaël Malcuit âgé de 99 ans, ou encore aux soixante-dix ans de sacerdoce du père Jean-Baptiste Lesage. Mais tout de même trente années cela compte.

En 1992, j’avais alors trente-quatre ans, un diplôme d’ingénieur en poche et trois expériences professionnelles derrière moi : officier mécanicien sur l’aviso-escorteur Balny basé à Papeete, une année de travaux publics à creuser l’immense canal de Jonglei au sud du Soudan, et un poste d’ingénieur de vente dans une entreprise high-tech américaine de connectique électrique. Ma jeunesse m’avait donné maintes occasions de voyage plutôt touristiques. J’en ferai d’autres plus tard au nom de Jésus dans le cadre du ministère.


Mais voici qu’avec le séminaire de Rome et l’ordination sacerdotale, j’entrai dans le voyage intérieur, celui de la rencontre de Dieu et de la rencontre de soi. S’ouvrait le chemin d’une aventure jusqu’alors si peu entrevue en réalité, celle de l’écoute des hommes et des femmes de tous milieux, célèbres ou inconnus, riches ou pauvres, croyants ou athées. C’est ainsi que je découvrais que la vraie richesse, est l’homme et sa capacité de relation. Nous sommes meilleurs ensemble dis-je souvent. Ensemble on va plus loin, on est plus riche et plus créatif. Ensemble on peut se réjouir et rire, partager et se corriger, grandir et faire croître les dons que Dieu nous a confié. Ma joie a toujours été de vivre la mission en équipe et d’y voir se révéler les talents, surtout ceux qui étaient enfouis ou ignorés.

Cette action de grâce, profonde, j’aurais le bonheur de la partager à Chartres lors de la messe du mercredi 29 juin à 18h15, avec ceux et celles qui voudront prier à mes côtés le Seigneur Jésus-Christ, source de tout bien et de la vie qu’il m’a offerte au service de son Église et de vous, les fidèles. C’est une vie que je ne regrette pas du tout. Elle porte un sens profond, celui de l’humanité telle que Dieu l’a façonnée, fraternelle et solidaire, qui nous relie et nous réjouit, en sa divine présence.

Le lundi 27 juin, je partagerai cette action de grâce en allant à Ars auprès du saint Curé Jean-Marie Vianney, pour de brèves retrouvailles avec mes frères prêtres ordonnés ensemble ce jour-là. Nous ne manquerons pas de prier pour que des jeunes hommes entendent l’appel que leur adresse le Seigneur pour marcher à sa suite dans la voie du sacerdoce en notre diocèse de Chartres ou ailleurs.

Simultanément, l’action de grâce rejoint notre frère diacre Clément Pierson, en études au séminaire français à Rome où il prépare une licence canonique en patrologie, c’est-à-dire l’étude des « Pères de l’Église », les saints, souvent évêques, des dix premiers siècles de la chrétienté. L’ampleur du sujet est immense. Il demeure passionnant de comprendre comment ils se sont mis à l’écoute du Saint Esprit dans des contextes si divers au sein de l’Empire romain et durant le haut Moyen-Âge pour exprimer notre foi aux peuples qu’ils gouvernaient. Clément sera ordonné prêtre en notre cathédrale de Chartres le dimanche 3 juillet à 15h30 et je compte sur la prière et la présence des euréliens pour l’accompagner dans le don de sa vie pour l’Église au sein de notre diocèse de Chartres.

Le prêtre est une figure à part. L’expression est des Actes des Apôtres tirée d’une scène qui se déroule à Antioche. Voici ce que rapporte le texte : « Un jour qu’ils célébraient le culte du Seigneur et qu’ils jeûnaient, l’Esprit Saint leur dit : Mettez à part pour moi Barnabé et Saul en vue de l’œuvre à laquelle je les ai appelés. » (Act 13, 2) L’Esprit est le protagoniste de ce choix, c’est sa grâce qui accompagne ceux qui sont interpellés, et il nous est dit qu’il s’agit d’une œuvre missionnaire. Ils vont prendre la mer sur un navire vers Chypre, Patmos, Antioche de Pisidie et d’autres lieux. Comme l’appel de l’Esprit conduit ces disciples de Jésus vers des rivages inconnus, ainsi le prêtre s’abandonne dans les mains de sa mère l’Église pour son futur ministère. Clément achèvera ses études l’année prochaine à Rome avant d’être en ministère parmi nous en septembre 2023.

Souvent, ne nous est-il pas demandé de préciser ce qu’est le prêtre ? Il est un homme mis à part et pourtant appelé à être avec ses fidèles, tel un berger qui veille derrière, parfois au milieu ou encore devant son troupeau. Le prêtre se fait le frère, l’ami et le père des fidèles ne craignant pas de prendre sur lui l’odeur des brebis, odeur qui représente l’humanité parfois heureuse et souvent souffrante de tous ses fidèles. Le prêtre est mis à part, non pas pour être distant et froid, au risque de paraître indifférent, mais pour célébrer au nom de Jésus-Christ les saints sacrements et premièrement la messe. Si celle-ci fut célébrée par Jésus la première fois au cours d’un repas, manifestant l’importance de la dimension communautaire et fraternelle, la messe est essentiellement le sacrifice de Jésus opéré sur la Croix du Golgotha quand il meurt pour prendre sur lui tout le mal et tout le péché du monde afin de sauver l’humanité entière de la mort éternelle. Si nous croyons en Dieu, comme d’ailleurs bien des humains non chrétiens, catholiques nous croyons que Jésus, Verbe divin fait chair, s’est offert lui-même dans un abaissement total pour sauver sa création et la reconduire au divin cœur du Père. Ainsi notre foi n’est pas un bonus pour une vie plus facile ici-bas, mais un don anticipant notre propre résurrection en vue de la vie préparée dans l’éternité. Cette perspective, dont le prêtre manifeste l’absolue grandeur en offrant sa propre vie dans un célibat pour le Royaume, dit combien ce Royaume importe magistralement : il est notre destinée. Le prêtre se donne corps et âme comme témoin de l’amour infini de Dieu qui saisit toute sa vie. On comprend alors l’importance de la vie spirituelle prioritaire face aux sollicitations matérielles.

Avant d’être ordonné prêtre, l’homme est d’abord devenu diacre, configuré au Christ serviteur. Jésus n’avait pas hésité, lors de la cène que saint Jean rapporte dans son évangile, à abandonner tout rang de dignitaire pour s’abaisser à faire la tâche du serviteur en lavant les pieds des disciples. Il leur dit alors de se souvenir de ce geste et de le faire aux hommes et femmes qu’ils serviraient. Le prêtre reste un diacre et dans la forme tridentine de la messe, le célébrant peut revêtir une dalmatique – vêtement liturgique propre du diacre – sous sa chasuble pour se rappeler que tout acte sacramentel est un service. N’arrive-t-il pas au prêtre d’être appelé pour donner le viatique à une personne qui mourra quelques heures plus tard ? Le Père Jean-Pierre Omva me l’a rapporté tout récemment. J’en fis l’expérience moi-même ayant l’intuition de visiter une cousine en fin de vie, au milieu de la nuit, dans un grand hôpital parisien où j’arrivais en taxi, cherchant dans les étages où elle pouvait se trouver, réveillant son papa qui dormait dans la chambre près de sa fille, priant avec lui avant qu’elle ne décède à cinq heures du matin. Beaucoup de prêtres rendent humblement ce service aux malades, dans la discrétion de leur ministère, apportant le réconfort au nom de Jésus. Ils sont simplement présents et à l’écoute. Le prêtre doit se faire aussi serviteur de la joie, car un prêtre triste fait un triste prêtre. Comment pourrait-il témoigner de la joie de la foi avec « une face de carême » pour reprendre la fine expression du Pape François ? Si l’on pense que l’on fera sérieux en étant fermé et strict, je ne pense pas que l’on puisse laisser passer la tendresse et la compassion. Cela est parfois difficile, car le prêtre est souvent témoin de nouvelles douloureuses : la maladie d’une personne, le suicide d’un jeune, l’accident qui laisse impotent, lui sont confiés par des familles qui ont besoin de son écoute. Alors, il lui faut se plonger en Dieu pour tout lui remettre, prendre le temps de la prière, au moins deux heures et demie par jour afin de vivre l’ensemble des temps demandés : liturgie des heures, messe, chapelet, oraison ou adoration, lectio divina. Ce choix, vous laïcs devez le soutenir, en veillant à ce que le prêtre trouve le repos du corps mais aussi de l’âme, en faisant ces travaux que vous feriez mieux que lui et qui ne sont pas strictement propres au ministère presbytéral, en aménageant dans le presbytère un bel oratoire, en prenant le relai pour les funérailles ou la préparation de sacrements. Le temps du désert pour un cœur à cœur est nécessaire à l’équilibre profond de celui qui a donné sa vie pour Dieu. Et lorsque vous ressentirez que le prêtre de votre paroisse fatigue sous la charge morale et psychologique du ministère, priez à plusieurs et allez le voir pour discerner comment l’aider. S’il refuse de l’aide, soyez délicat mais insistez en lui proposant un vrai plan repos dans le Christ. Nombre de vocations se sont perdues dans les sables faute d’avoir être accompagnées assez tôt par la bienveillance et le soutien audacieux de laïcs. Je ne pourrais jamais assez remercier ces frères et sœurs qui procèdent ainsi, comme d’ailleurs les parents des prêtres qui sont eux-aussi par leur prière et leur écoute des repères aimants de leur fils prêtre. J’en atteste pour moi-même.

Sur ce sujet, pour conclure ou presque, je ne peux que vous encourager à lire le nouveau livre écrit par un ami, le père François Potez, au titre heureux La grave allégresse, être prêtre aujourd’hui. C’est un beau livre sous forme de lettres destinées à un de ses amis. Je pense qu’il fera du bien aux prêtres et donnera aux fidèles une belle  compréhension de ce qu’est un prêtre et de sa mission. C’est un révélateur de la joie du sacerdoce.

Mettons-nous souvent en prière pour demander à Dieu notre Père des vocations de fils prêtres. Je vous propose de reprendre la belle prière thérésienne à Notre-Dame du sacerdoce. Cette prière est imprimée sur de jolies cartes que je peux vous envoyer par la poste dans la quantité que vous souhaitez, même importante – envoyez un message mail, cela conviendra. En priant surtout en famille, au quotidien, nous sommes sûrs que des jeunes garçons entendront en eux l’appel que Dieu leur fait. Leur famille sera disposée par cette prière à les accompagner vers la vocation. Ne pleurons pas l’absence de prêtres dans nos villages si nous-mêmes ne prions pas au quotidien pour les vocations et les séminaristes. Prions maintenant avec espérance.

Vierge Marie,

Mère du Christ Prêtre,

Mère des prêtres du monde entier,

Vous aimez tout particulièrement les prêtres,

Parce qu’ils sont les images vivantes de votre Fils unique.

Vous avez aidé Jésus par toute votre vie terrestre,

Et vous l’aidez encore dans le ciel.

Nous vous en supplions, priez pour les prêtres,

Priez le père des cieux pour qu’il envoie des ouvriers à sa moisson.

Priez pour que nous ayons toujours des prêtres,

Qui nous donnent les sacrements,

Nous expliquent l’Évangile du Christ,

Et nous enseignent à devenir de vrais enfants de Dieu.

Vierge Marie, demandez vous-même à Dieu le Père,

Les prêtres dont nous avons tant besoin,

Et puisque votre cœur à tout pouvoir sur lui,

Obtenez-nous, ô Marie,

Des prêtres qui soient des saints.

Amen.

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Je confie mon intention de prière

Votre intention sera confiée à la prière des sœurs de Saint-Paul de Chartres.